La verveine venait de Buenos Aires, le rossolis du Cap et la pivoine de Chine. Le papillon était, lui, européen, et contrairement à ses collègues du bout du monde, il ne pouvait pas se nourrir de ces plantes… Cette histoire arrive tous les jours dans nos jardins, qui privilégient les espèces exotiques. Alors, laissons une chance à notre biodiversité : faisons un peu de place aux espèces locales !
Elles ont chaussure à leur pied !
Un préalable indispensable !
Les papillons se retrouvent souvent confrontés à de grandes difficultés pour se nourrir et se reproduire dans nos jardins. Les chenilles, dont le régime spécialisé ne tolère souvent qu’une ou quelques espèces de plantes, ne peuvent se nourrir des nombreuses espèces exotiques de nos jardins. Quant aux adultes, les variétés de fleurs améliorées, à corolles* multiples ou sélectionnées pour leurs seuls caractères esthétiques leur offrent souvent peu de nectar, ou encore celui-ci est-il rendu inaccessible par la taille anormalement grande des corolles. Dans certains cas, les coloris étonnants des fleurs deviennent même invisibles aux papillons ! Héberger des plantes locales dans son jardin est ainsi un préalable indispensable pour y accueillir les papillons et autres insectes ou oiseaux.
Astuce !
Plantez de l’aubépine, des noisetiers ou des pruneliers dans votre haie champêtre ! Cela colorera votre jardin tout en rendant de nombreux services à la nature…
Un exemple parmi tant d’autres…
Triste fin pour la Thécla du Bouleau, petit papillon marron. Sa chenille se nourrit exclusivement de feuilles d’arbres du genre prunus, comme les cerisiers, merisiers, prunelliers, pruniers, etc. Les femelles repèrent ses arbres par leur odeur. Manque de chance, les Cerisiers du Japon leur semblent particulièrement attirants. Mais la chenille vert tendre – un excellent camouflage habituellement – devient bien trop remarquable sur le feuillage pourpré des espèces ornementales. Les chenilles ainsi exposées ont bien peu de chances d’échapper aux yeux des oiseaux. Depuis que les cerisiers du Japon ont été plantés dans de nombreux jardins, la thécla du bouleau se fait de plus en plus rare…
Les dangers des plantes exotiques…
Les plantes exotiques peuvent aussi présenter des risques non négligeables pour l’environnement. Les jardiniers amateurs de raretés d’autres continents sont souvent les propagateurs innocents de plantes devenant envahissantes dans notre environnement. Si la plupart des plantes importées sont difficiles à cultiver, d’autres peuvent trouver sous nos climats les conditions d’un épanouissement dépassant largement les attentes de celui qui les avait rapportées. L’absence de leurs compétiteurs et prédateurs naturels est notamment une aubaine pour ces plantes.
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C’est le nombre de variétés de tomates qui existent dans le monde. Seule une petite dizaine de variétés hybrides ornent les étals de nos marchés…
On ne compte plus les cas de ces « échappées de jardin » – terme consacré – qui prospèrent au détriment des plantes locales, causant parfois des dégâts inimaginables. Ainsi une certaine Mme Paterson emporta-t-elle lors de son voyage en Australie quelques pieds de vipérine (Echium plantagineum) destinés à égayer le jardin de son nouveau cottage et certainement à lui rappeler son pays natal. Un siècle plus tard, la plante a envahi des millions d’hectares de pâturage, les rendant improductifs car les bœufs ne peuvent s’en nourrir, et menace des centaines de plantes locales. Madame Paterson serait bien étonnée de constater que ses fleurs sont maintenant nommées par les fermiers Australiens « Paterson’s Curse », la peste de Paterson…
De véritables pièges !
Certaines variétés d’onagres d’Amérique (Oenothera speciosa ou Oenothera berlandieri) posent de graves problèmes : les Moro-sphinx, qui butinent en vol stationnaire à la manière des oiseaux-mouches, sont friands de leur nectar mais ne parviennent plus à décoincer leur trompe de la corolle, qui se transforme alors en piège mortel. L’espèce a en outre tendance à s’échapper des jardins pour coloniser les milieux naturels. Un cas typique d’espèce exotique à éviter dans nos jardins…
…Et la beauté des plantes locales !
Cependant, préférer des plantes locales ne signifie pas pour autant abandonner l’idée d’un beau jardin ! D’une part, parce qu’il ne s’agit pas d’éradiquer toute variété horticole, mais plutôt de laisser la place aux « simples » et d’autre part, parce que les plantes locales sont loin d’être toutes des plantes insignifiantes aux coloris ternes ! La diversité et la beauté des plantes de nos régions n’ont pas grand-chose à envier aux devantures des fleuristes. Que l’on songe à la lavande, au coquelicot, au myosotis, à la bourrache, à la jonquille, à l’épilobe ou à la digitale. Les spécialistes savent d’ailleurs bien reconnaître les plantes locales masquées dans les boutiques sous leur nom latin. Alors, à l’heure où la sobre beauté des jardins de curés revient à la mode, laissons-nous tenter à retrouver l’éclat de celles qui furent longtemps considérées comme de « mauvaises herbes », simplement parce qu’elles avaient le mauvais goût de s’être invitées dans nos massifs sans notre assentiment.
La fin des haricots ?
Les variétés de légumes et de fruits dites « anciennes » ne doivent pas être oubliées. On assiste depuis plusieurs dizaines d’années à la disparition de milliers de ces variétés locales, adaptées au sol et au climat de régions particulières, et fruits de la sélection de générations de paysans et de jardiniers. Cette érosion est inquiétante à plus d’un titre : des caractères bien particuliers – et donc des gènes – disparaissent années après années, que nous ne pourrons jamais retrouver alors qu’ils peuvent se révéler d’une importance capitale. Que l’on songe aux vignobles européens, sauvés du phylloxera grâce à des souches anciennes en provenance d’Amérique…
Notes et références
Liens internets
Pour vous procurer des variétés de plantes locales, sélectionnées pour leurs qualités esthétiques et écologiques, ainsi que pour leur culture facile :http://sauveterre.chez.com