Originaire d’Asie orientale, la Renouée du Japon a été introduite en Europe au début du XIXème siècle pour ses qualités ornementales, fourragères, mellifères et fixatrices de sol. Malheureusement, après une période de latence, elle s’est échappée des jardins et sa colonisation exponentielle a commencé au milieu du XXème siècle. Dotée d’une forte capacité d’adaptation, y compris dans les milieux difficiles, elle a d’abord gagné les friches, puis colonisé les bords de routes et les berges des cours d’eau. Elle constitue aujourd’hui dans le monde entier une menace pour la biodiversité et elle fait partie des 100 espèces les plus préoccupantes répertoriées par l’Union internationale pour la conservation de la nature.
Pourquoi s’intéresser à la Renouée du Japon?
Son expansion a des conséquences lourdes pour notre environnement : élimination de toute concurrence végétale et privation de la faune locale de son habitat naturel, accélération de l’érosion des berges en bord de cours d’eau, uniformisation des paysages et concurrence avec les activités humaines dans les milieux qu’elle colonise (promenade, baignade, pêche, etc.).
Le succès de la Renouée du Japon dans son aire d’introduction repose sur son fort pouvoir compétitif : conditions de vie qui lui sont favorables (milieux anthropisés enrichis en éléments nutritifs), faible pression de sélection exercée par les herbivores, taux de croissance important, production massive de biomasse, efficacité à intercepter la lumière et à capter les ressources du sol, production de substances toxiques pour d’autres espèces (allélopathie). Seul un petit ensemble d’espèces supporte sa concurrence : la Ronce commune (Rubus fruticosus), l’Ortie dioïque (Urtica dioica) et le Gaillet gratteron (Galium aparine).
Dépourvue de prédateurs locaux et de compétiteurs, elle est très invasive et donc défavorable à la biodiversité car son développement très rapide se fait au détriment de la flore locale mais aussi de la diversité en vertébrés et surtout d’invertébrés. Sa vigueur et la rapidité de sa propagation sont telles qu’un petit foyer peut rapidement coloniser les abords jusqu’à former des massifs de plusieurs dizaines de mètres carrés, prenant le pas sur la végétation locale basse. Elle fait reculer les populations d’amphibiens, reptiles et oiseaux ainsi que de nombreux mammifères des habitats de bordure de cours d’eau (ripicoles) qui dépendent des espèces herbacées autochtones et/ou des invertébrés associés pour leur survie.
Se développe souvent à sa suite, l’espèce de fourmis tout aussi invasive, Lasius neglectus, provenant de l’ouest de la Mer noire. Elle y trouve une nourriture abondante grâce aux nectaires à la base des feuilles de renouée. On trouve là un problème tout particulier où deux espèces, l’une animale, l’autre végétale, concourent pour changer le biotope local.
En France, une loi existe contre les introductions, volontaires ou non, d’espèces invasives (L411-326) mais elle ne s’applique pour l’instant qu’aux Jussies. Dans le futur, il est fort probable qu’une nouvelle coévolution s’établisse entre la Renouée du Japon et de nouvelles espèces phytophages dans son aire d’introduction, ce qui devrait permettre à terme une régulation naturelle de la taille de ses populations.
Intérêts ou inconvénients pour le jardinier
Il est déconseillé de planter la renouée du Japon dans son jardin malgré ses qualités esthétiques. On peut cependant reconnaître son caractère paysager dans des sites ingrats, son attrait culinaire, fourrager et ses propriétés médicinales, son intérêt pour les insectes, la valorisation potentielle de sa biomasse et le maintien du sol grâce à ses rhizomes.
En Europe, les fleurs peuvent fournir une source de nectar à une époque de l’année où il y en a peu (fin d’été) mais l’habituelle présence de métaux lourds dans les sols où elle pousse peut nuire à la qualité du miel ainsi qu’à la santé des essaims.
Elle est toujours cultivée en Asie où elle est réputée pour ses propriétés médicinales. Au Japon, les jeunes pousses sont consommées crues ou cuites au printemps. L’hiver quand les tiges commencent à dépérir, les rhizomes sont arrachés, séchés et servent dans la pharmacopée traditionnelle. Les jeunes feuilles malaxées sur des éraflures stoppent le saignement et calment la douleur d’où son nom itadori « ôte-douleur ». Les rhizomes sont aussi inscrits à la Pharmacopée Chinoise (1999). En Europe, il n’est pas prudent de la consommer car la majorité des massifs s’est développée sur des sols artificiels pollués.
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