La phytoremédiation

 La pollution des sols urbains : origines, effets et risques pour la santé

Traitement phytosanitaire par tracteur sur colza © Elyas Barbier / Biosphoto

La pollution des sols par les métaux lourds est un problème environnemental mondial. L’expansion des villes, couplée aux activités industrielles, a conduit à une accumulation dangereuse de métaux lourds dans les sols. Ces métaux proviennent principalement de l’utilisation de pesticides, d’engrais, des activités de métallurgie, des rejets industriels et des dépôts atmosphériques. 

Par exemple, le cuivre provient souvent des pesticides et des engrais, et le plomb des émissions atmosphériques. Les métaux lourds peuvent être classés en deux catégories : essentiels et non essentiels. Les métaux lourds essentiels, tels que le fer (Fe), le cuivre (Cu) ou encore le zinc (Zn), sont nécessaires en quantités infimes pour des fonctions vitales. Le cadmium (Cd), le mercure (Hg) ou le plomb (Pb) sont non essentiels et souvent toxiques, même à de très faibles concentrations. Ils sont naturellement présents dans les sols.  

Ces contaminants perturbent non seulement les écosystèmes locaux, mais aussi la santé publique, en infiltrant les terres où nous vivons et cultivons. Les risques liés à l’exposition aux métaux lourds sont nombreux :

  • le cadmium est un perturbateur endocrinien et peut provoquer de l’anémie.
  • le cuivre peut causer des lésions cérébrales et rénales, ainsi qu’une anémie chronique.
  • le plomb, particulièrement dangereux pour les enfants, cause des troubles du développement, des problèmes de coordination et augmente le risque de maladies cardiovasculaires.

Les plantes absorbent ces toxines via l’air, où elles sont déposées sur leurs feuilles, ou par le sol, où elles sont absorbées par les racines. Cela exacerbe la pollution, menace la biodiversité urbaine et impacte la chaîne alimentaire.

La phytoremédiation : une solution verte

Luzerne lupuline (Medicago lupulina) © Stéphane Vitzthum / Biosphoto

La phytoremédiation est une méthode douce et naturelle pour dépolluer les sols via l’utilisation des plantes. Le terme phyto signifie plante en grec et remède vient du latin remedium. Cela désigne la capacité des plantes à absorber et à détoxifier les polluants présents dans l’environnement. Cette méthode est efficace dans les milieux aquatiques et terrestres. Elle repose sur différentes techniques, adaptées aux types de plantes utilisées. Pour en savoir plus sur ces techniques, vous pouvez consulter notre article sur le sujet.

Des plantes phytoremédiatrices au jardin

Carotte sauvage (Daucus carota) © H. Tinguy / INPN Espèces

Les herbacées jouent un rôle crucial dans la phytoremédiation des sols contaminés par les métaux lourds. On peut les classer selon leur capacité à absorber les contaminants en fonction de leur famille botanique. 

  • Les légumineuses (absorption faible) 
  • Les Graminées, les Liliacées, les Cucurbitacées et les Ombellifères (absorption modérée) 
  • Les Chénopodiacées, les Crucifères, les Solanacées et les Composées (absorption forte) sont particulièrement efficaces pour l’extraction de métaux lourds comme le Nickel, le Zinc et le Cadmium.

Certains légumes, couramment consommés, comme l’épinard, la carotte, et d’autres, sont capables d’accumuler des métaux lourds dans leurs organes comestibles. Cette capacité peut rendre vos légumes dangereux à la consommation, si le sol dans lequel ils sont cultivés est contaminé. Il est donc crucial de vérifier la qualité de votre sol en faisant appel à un spécialiste apte à expertiser la qualité de votre sol avant de cultiver vos légumes dans votre potager. 

Arabette des dames (Arabidopsis thaliana) © S. Filoche / INPN Espèces

Il existe les plantes hyperaccumulatrices qui sont notamment issues de la famille des Brassicaceae et qui sont particulièrement efficaces pour accumuler les métaux lourds. Les plantes hyperaccumulatrices peuvent stocker des niveaux de métaux 10 à 500 fois plus élevés que les autres. Voici quelques exemples : 

  • Le cresson des Alpes (Thlaspi caerulescens)
  • L’alysson de Bertoloni (Alyssum bertolonii)
  • L’isatis à feuilles découpées (Isatis pinnatiloba)
  • La moutarde (Brassica juncea)
  • L’arabette des dames (Arabidopsis thaliana)

D’autres herbacées, n’appartenant pas à la famille des Brassicaceae, sont également reconnues pour leurs capacités accumulatrices en métaux lourds : l’achillée millefeuille (Achillea millefolium, Asteraceae) est efficace contre le cadmium (Cd), le cuivre (Cu), le nickel (Ni) et le plomb (Pb). Le trèfle blanc (Trifolium repens, Fabaceae) est connu pour être un accumulateur de métaux lourds, tout en possédant des propriétés de fixation de l’azote et étant une bonne couverture pour les sols.

Il est important de garder à l’esprit que la décontamination des sols par phytoremédiation peut prendre de 5 à 20 ans en moyenne, selon le niveau de contamination et les techniques utilisées.


Des plantes pour décontaminer les zones humides

Roseaux (Phragmites australis) dans une mare de jardin © Pierre Huguet-Dubief / Biosphoto

La végétation joue un rôle essentiel pour protéger les sols mais également les eaux. En agissant comme une barrière naturelle, elle empêche les contaminants de se propager dans l’environnement lors d’arrosages ou de pluies. Cela aide à maintenir la qualité du sol tout en évitant la contamination des eaux souterraines et des cours d’eau. 

Les zones humides, quant à elles, bénéficient de plantes phytoremédiatrices spécifiques appelées macrophytes aquatiques. Ces plantes, comme la glycérie élevée (Glyceria maxima), la renoncule scélérate (Ranunculus sceleratus) et le roseau (Phragmites australis) sont particulièrement efficaces pour traiter les eaux usées et les milieux aquatiques contaminés. Par exemple, le roseau accumule très bien le plomb (Pb), le fer (Fe) et le Nickel (Ni).


Près des zones humides, la présence de saules (Salix spp.) et peupliers (Populus spp.) qui, grâce à leur système racinaire profond, permet d’absorber les contaminants situés plus en profondeur. Cela contribue à la décontamination efficace des milieux humides.

 

Restaurer des habitats favorables à la biodiversité

Pour optimiser la phytoremédiation, l’utilisation conjointe de plusieurs espèces végétales est particulièrement bénéfique. Cette approche permet d’améliorer le processus de dépollution des sols en tirant parti des différentes capacités des plantes. 

Cette diversité végétale crée des environnements propices à la biodiversité. Les fleurs attirent les pollinisateurs, les arbres offrent des refuges et des sites de nidifications pour oiseaux et mammifères. Les racines des plantes créent également des microhabitats dans le sol et offrent des niches pour divers insectes et microorganismes de la faune du sol.

Zone d’un jardin en friche © Yann Avril / Biosphoto

Cette pratique permet également de restaurer des habitats naturels, de soutenir la chaîne alimentaire locale et d’encourager la réhabilitation des espèces animales et végétales. 

En somme, la phytoremédiation transforme les sols contaminés en écosystèmes vivants.

Après la phytoremédiation, il est crucial de gérer correctement les plantes contaminées. Vous pouvez les envoyer dans des décharges spécialisées, conçues pour traiter et contenir les matériaux contaminés en toute sécurité.

 

Sources : 

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  • Ademe editions (2019) Comment agir ? ADEME – Dir régionale Normandie
  • Ali, H., Khan, E., & Sajad, M. A. (2013). Phytoremediation of heavy metals—concepts and applications. Chemosphere, 91(7), 869-881.
  • Garbisu, C., & Alkorta, I. (2001). Phytoextraction: a cost-effective plant-based technology for the removal of metals from the environment. Bioresource technology, 77(3), 229-236.
  • Mench, M., & Baize, D. (2004). Contamination des sols et de nos aliments d’origine végétale par les éléments en traces. Le Courrier de l’environnement de l’INRA, 52(52), 31-56.
  • Viau, M. A. (2023). Le compagnonnage entre une plante alimentaire (Solanum lycopersicum) et des plantes phytoremédiatrices (Salix discolor, Achillea millefolium, Trifolium repens).
  • Salt, D. E., Smith, R. D., & Raskin, I. (1998). Phytoremediation. Annual review of plant biology, 49(1), 643-668.
  • Shen, X., Dai, M., Yang, J., Sun, L., Tan, X., Peng, C., … & Naz, I. (2022). A critical review on the phytoremediation of heavy metals from environment: Performance and challenges. Chemosphere, 291, 132979.

 

 





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