Avec la perte de biodiversité et l’accroissement des menaces qui pèsent sur celle-ci, les programmes de conservation de la biodiversité sont de plus en plus répandus et adaptés au type de biodiversité protégé. Dans cet article, nous nous intéresserons à un cas précis : la conservation des arbres forestiers, qui passe notamment par la conservation de leur patrimoine génétique, en prenant comme exemple une espèce de pin endémique en méditerranée.
Conservation de la biodiversité
Les programmes de conservation déployés peuvent généralement être classés en deux catégories : la conservation in situ et ex situ.
- La conservation in situ consiste à préserver les espèces dans leurs milieux de vie, en assurant une vigilance sur l’ensemble de l’habitat que l’on souhaite protéger, avec des suivis réguliers et des interventions plus ou moins importantes selon les plans de gestion. On peut ainsi maintenir ou restaurer des populations dans le milieu même où elles ont acquis leurs caractéristiques. Cependant, pour conserver des espèces in situ il est impératif d’avoir des tailles de populations suffisantes, afin d’assurer une diversité génétique nécessaire à la survie de la population, ainsi que des moyens de contrôler les espaces de protection.
- Dans le cas de petites populations, telles que les espèces en risques d’extinction, le déplacement de populations est devenu de plus en plus courant dans la gestion des espèces de manière globale. On met alors en place des mesures ex situ, en plaçant une partie de la population dans un environnement différent de leur milieu naturel, avec des conditions plus ou moins contrôlé (zoo, collections, banques de graines etc..).
Conservation du patrimoine génétique des espèces végétales forestières
La conservation des écosystèmes forestiers est assez particulière et se fait principalement in-situ dans des aires protégées et notamment pour la conservation de la diversité génétique au sein des espèces. En France, la Commission nationale pour la conservation des Ressources Génétiques Forestières (CRGF créée en 1991) compte en 2021 près de 103 unités conservatoires in situ, couvrant 10 espèces protégées d’arbres forestiers .
La diversité génétique au sein des espèces est une composante majeure de la biodiversité : elle joue un rôle important dans l’adaptation des espèces aux changements de leur environnement (climat, parasite, maladies…) et également dans leur survie.
En effet, une trop faible diversité génétique peut entraîner une augmentation de la consanguinité et fragiliser les individus, ce qui peut à terme les rendre vulnérables à des phénomènes comme des vortex d’extinction (petite population -> dépression de consanguinité -> individus fragilisés -> réduction du nombre d’individus).
Ainsi, la mise en place de mesures conservatoires des ressources génétiques forestières et leur suivi est essentiel pour le maintient de la diversité génétique des peuplements et leur résilience faces aux changements globaux, protéger la biodiversité des arbres forestiers passe par la préservation de leur patrimoine génétique.
Exemple du pin de Salzmann, une espèce endémique de la méditerranée
Une espèce menacée
Le pin de Salzmann (Pinus nigra subsp. salzmannii) est une des cinq sous-espèces de pin noir endémique à la région méditerranéenne et au sud de l’Europe. Du fait de nombreuses activités humaines (récolte de bois, écobuage, culture, pâturage) au cours du XIXème siècle, le pin de Salzmann est aujourd’hui présent en France sous forme de lambeaux résiduels. On recense sept peuplements isolés, en habitats de moyenne montagne, qui recouvrent approximativement 3000 hectares, ce qui fait du pin de Salzmann une des espèces forestières les plus rares en France ! Ce pin de Salzmann est aujourd’hui soumis à trois menaces principales qui tendent à accentuer sa raréfaction :
- Divers accidents liés au climat et aux actions de l’Homme : principalement les incendies auxquelles les petites populations de pin de Salzmann peuvent être très sensibles, mais également des tempêtes.
- Risque d’introgression par les autres pins noirs utilisés en reboisements. En effet, les pins de Salzmann peuvent se reproduire avec les autres espèces de pin noir, comme le pin laricio et le pin noir d’Autriche qui ont été très employés dans les reboisements en France. Ces flux de gènes peuvent conduire à des hybridations et engendrer une pollution génétique de l’espèce qui peuvent impacter la durabilité et la valeur adaptative des individus.
- Isolement des populations par fragmentation de l’aire d’habitat et faiblesse des effectifs de certains groupes d’individus isolés (noyaux). Cette petite taille de population peut conduire, via une augmentation de la consanguinité, à un « vortex d’extinction »
Quelles actions pour préserver cette espèce ?
Du fait des menaces importantes et de l’intérêt que porte cette espèce, des modes de gestion in situ ont été mis en place afin de préserver ces peuplements : ouverture des peuplements pour favoriser la régénération naturelle, gestion sylvicole classique et élimination des autres pins noirs introduits. Les menaces pesant sur le pin de Salzmann ont également mené la CRGF à le considérer dans les espèces prioritaires fin années 2000 et à conseiller une conservation des ressources génétiques de ce pin endémique.
Afin de conserver au mieux cette espèce, des mesures de conservation ex-situ ont été mises en place, avec pour objectif de sauvegarder les individus remarquables existants dans les peuplements naturels en les copiant par greffage et en les installant dans des plantations conservatoires.
C’est ainsi qu’une collection nationale de conservation a pu être mise en place. Celle-ci compte 694 clones issus de greffes d’arbres originaires de peuplements naturels, permettant une sauvegarde des populations.
Des études sont en cours de réalisation à l’INRAE d’Avignon sur la structure génétique des arbres de la collection afin de déterminer l’histoire phylogénétique des différents peuplements, pour permettre de préserver au mieux le patrimoine génétique de cette espèce endémique !