Vous avez sûrement déjà entendu parler des chenilles processionnaires, espèces qui se retrouvent de plus en plus en France et qui inquiètent dû à leur impact aussi bien sur les humains que sur les arbres qu’elles élisent comme domicile. Nous chercherons dans cet article à en savoir plus sur ces chenilles particulières…
La chenille processio-quoi ?
Les chenilles processionnaires tirent leur nom de leur mode de déplacement assez particulier : elles se déplacent en procession (file indienne, les unes derrières les autres). Ces files de chenilles impressionnantes peuvent s’étendre sur plusieurs mètres et regrouper des centaines de chenilles.
A quoi elles ressemblent et quel est leur cycle de vie ?
Les chenilles processionnaires sont … des chenilles. Elles sont ainsi par définition l’état larvaire de Lépidoptères, dont l’état final (imago) est le papillon.
Il existe plusieurs espèces de chenilles processionnaires (genre Thaumetopoea) en France, dont deux les plus communes occupant des espèces d’arbre différentes : la processionnaire du pin (Thaumetopoea pityocampa) et la processionnaire du chêne (Thaumetopoea processionea).
La chenille processionnaire du pin possède sur le dos de larges bandes orangées striées de noir alors que celle du chêne a une face dorsale brunâtre à noirâtre. Toutes les deux présentent des poils disséminés sur les flancs, mais ils sont plus nombreux,plus longs et plus clairs chez la processionnaire du chêne ce qui lui donne un aspect plus duveteux.
Comme chez tous les Lépidoptères, le cycle se décompose en trois phases successives : la phase adulte caractérisée par les papillons, la phase larvaire et la phase nymphale qui correspond à la transformation des chenilles en chrysalides.
Processionnaire du chêne:
Les chenilles sont très grégaires et se déplacent en processions. Elles se nourrissent du feuillage de leur arbre hôte, et se regroupent en grandes colonies sur les troncs et branches charpentières des chênes, au fur et à mesure du développement des stades larvaires,jusqu’à la nymphose début juillet (transformation des chenilles en chrysalides) et métamorphose en papillon vers mi-juillet. Ces papillons de nuits de 30mm d’envergure vont ensuite se reproduire et la femelle dépose une ponte unique avec une centaine d’œufs sur des rameaux de chêne, qui passent l’hiver sous forme de plaques très résistantes. L’éclosion se déroule ainsi quelques jours avant le débourrement (développement des bourgeons marquant la fin du repos végétatif et la reprise de la pousse) des chênes à la mi-avril.
Processionnaire du pin :
A la différence des processionnaires du chêne, les processionnaires du pin ne réalisent pas leur nymphose sur un arbre mais dans le sol. En effet, les chenilles qui viennent d’éclore sur des aiguilles de pin vers début septembre se déplacent en groupe et se nourrissent la nuit au détriment des aiguilles. A la fin de l’automne, elles tissent sur la partie la plus ensoleillée de l’arbre (souvent en hauteur) un nid définitif dans lesquelles elles passent l’hiver au chaud.
Entre janvier et mai, les chenilles quittent leur nid en procession et descendent de l’arbre pour s’enfouir dans le sol où elles vont tisser leur cocon et effectuer leur nymphose (procession de nymphose). Elles sont alors dans un état de stase que l’on nomme diapause (état de repos pendant lequel la chrysalide ne se développe pas en se maintenant en vie). Une fois les conditions extérieures favorables, les chrysalides se métamorphosent et sortent du sol (entre fin juin et août) sous forme de papillons de nuit qui ne vont vivre que l’été afin de se reproduire, et la femelle pondra alors des œufs sur des aiguilles de pin.
Où les trouve-t-on ?
Les chenilles processionnaires du pin se retrouvent préférentiellement sur des espèces de pin à 2 aiguilles (Pin sylvestre, Pin noir, Pin maritime etc…) et des cèdres en cas de colonies importantes.
Répartition géographique en France : Historiquement présente sur les 2/3 sud du territoire français, on observe une importante avancée de la répartition de la processionnaire du pin vers le nord de la France. On peut en rencontrer notamment en Île-de-France depuis les années 2000 et son front de migration remonte chaque année de quelques kilomètres. Cette espèce a d’ailleurs été identifiée comme un bon bio-indicateur du réchauffement climatique, tant sa prolifération vers des régions au climat initialement trop froid pour elle est remarquable.
Les chenilles processionnaires du chêne se retrouvent quant à elle exclusivement sur des espèces de chênes caduques (Chêne pédonculé et Chêne sessile).
Répartition géographique en France : La chenille processionnaire du chêne est essentiellement retrouvée sur le quart nord-est de la France, mais on peut la retrouver sur l’ensemble du territoire continental par présence de foyers restreints. Des observations de cette espèce se font plus nombreuses depuis les années 2000 et comme la processionnaire du pin, elle colonise de plus en plus d’espaces, probablement dû au réchauffement climatique et à la facilité de prolifération qu’engendrent les infrastructures de circulation.
Dangers
Bien que très mignonnes, ces chenilles sont principalement connues pour être responsables de nuisances sanitaires, aussi bien sur les arbres que sur les hommes et autres animaux.
Les deux espèces, se nourrissant des feuilles ou aiguilles de leurs arbres hôtes, sont à l’origine de défoliations importantes provoquant un ralentissement de la croissance des arbres atteints. Même si une défoliation totale ne provoque pas directement la mort des arbres hôtes, des défoliations répétées sur plusieurs années, peuvent entraîner un affaiblissement des arbres, qui deviennent ainsi plus sensibles aux stress hydriques et thermiques, et également aux attaques d’autres espèces parasites ou pathogènes.
Depuis le 25 avril 2022, les chenilles processionnaires du pin et du chêne sont considérées comme des « animaux nuisibles » pour la santé. En effet, elles causent des problèmes sanitaires par leurs poils urticants très allergènes qui sont libérés dans l’air et peuvent provoquer des atteintes cutanées (démangeaisons fortes, œdèmes…), oculaires (glaucome, cataracte…) ou respiratoires (crises d’asthme). Les chenilles sont urticantes pendant les périodes où elles sont présentes sur les arbres à partir de leur 3èmestade larvaire, c’est-à-dire de décembre à avril pour la processionnaire du pin et de mai à juillet pour la processionnaire du chêne.
Que ça soit dans les nids d’hiver des processionnaires du pin ou dans les nids de nymphose des processionnaires du chêne, les soies peuvent y être très présentes et maintenir leur caractère urticant même après plusieurs années, ce qui rend la manipulation des nids dangereuse !
Moyens de lutte
Il existe différentes stratégies afin de lutter contre une invasion de chenilles processionnaire :
Attention : Il est important de bien se protéger (combinaison, masque et gants) pour toute intervention directe auprès des nids de chenille, et de faire appel à des spécialistes formés en cas d’invasion trop importante.
- Piégeage de papillons : La pose de pièges à phéromone de synthèse consiste à attirer les papillons mâles présents dans le secteur durant la période de vol,leur faisant ainsi croire qu’une belle femelle les attend. Cela aura pour conséquence de réduire les accouplements et donc le nombre de pontes potentielles.Ces pièges doivent être posés au début de la période et retiré à la fin de celle-ci. Ils ont l’avantage d’être réutilisable chaque année (sauf la phéromone qui doit être renouvelé) et de ne cibler que les papillons mâles de la processionnaire (pin ou chêne selon la phéromone). Ces pièges servent aussi à évaluer et suivre la densité de population des processionnaires (monitoring).
- Piégeage de chenilles : Pour les processionnaires du pin, il est également possible de mettre en place des pièges à chenilles. Ces pièges, disposés autour du tronc de l’arbre infesté, permettent de piéger les chenilles qui descendent vers le sol lors de leur procession de nymphose. Elles réaliseront ainsi leur nymphose dans un petit sachet rempli de terre.
- Lutte mécanique : La lutte mécanique consiste à prélever et détruire manuellement les nids de processionnaires. Pour cela on peut procéder par pulvérisation d’eau savonneuse sur les nids, puis décrochage ou aspiration des nids, qui seront ensuite emballés dans des sacs étanches. Cette technique n’est cependant pas adaptée à de grands arbres ni sur de grandes surfaces.
- Gestion paysagère et sylvicole : Cette méthode est plutôt une action préventive et sur le long terme. Cela consiste à améliorer la biodiversité des peuplements d’arbres,afin de réduire le nombre et l’accessibilité des arbres hôtes potentiels et aussi de constituer des refuges pour les ennemis naturels des chenilles processionnaires.
- Traitement bactérien :En cas de forte invasion, il est possible d’utiliser un bio insecticide à base de bactérie Btk (Bacillus thuringiensis kurstaki). Cette substance est spécifique aux larves de lépidoptères, elle ne touchera donc que ces espèces là (pas d’effet sur les abeilles par exemple). En revanche la lutte microbiologique reste soumise à des contraintes réglementaires à prendre en compte avant toute application de traitement, qui pourrait avoir des conséquences néfastes en cas d’utilisation abusive.
- Ennemis naturels : Une autre méthode, plus naturelle, est d’utiliser les prédateurs des chenilles processionnaires pour lutter contre elles. On peut ainsi installer des nichoirs à mésanges à proximité des sites infestés, les mésanges se feront une joie de réguler les populations de chenilles processionnaires en se remplissant le gésier. Pour en savoir plus sur les mésanges, n’hésitez pas à consulter notre article consacré à ce bel oiseau. Des nichoirs à chauve-souris peuvent également participer à réduire les populations de chenilles processionnaires, ces dernières raffolant des papillons.
Il est important de noter que chaque technique de lutte décrite vise des stades précis dans le cycle de vie des chenilles processionnaires, il peut être intéressant de combiner plusieurs méthodes au cours d’une même année, selon le risque estimé. On peut ainsi :
- Installer des nichoirs à mésanges sur le site infesté,
- Couper les nids de processionnaires du pin en hiver, et en juin pour celles du chêne,
- Mettre en place des pièges à chenilles au début du printemps pour la processionnaire du pin,
- Installer des pièges à phéromone au début de l’été,
- Réaliser un traitement microbiologique en cas de grosses attaques (plutôt en automne pour la processionnaire du pin, et début printemps pour la processionnaire du chêne)
D’autres techniques de lutte innovante sont en cours de recherche et de développement, comme notamment la confusion sexuelle pour laquelle on projette des capsules bio-dégradables chargés de phéromones sur les arbres afin de saturer l’air en phéromone femelle contribuant à une non- rencontre entre partenaires. D’autres stratégies sont aussi à l’étude comme la lutte biologique par des lâchers de parasitoïdes oophages (qui se nourrissent des œufs) afin de réduire les populations de chenilles. Ces techniques, en cours de mise au point, viendront ainsi compléter le panel déjà existant de méthodes de lutte contre la processionnaire du pin, le but étant d’avoir un maximum d’alternatives à l’utilisation de produits phytosanitaires pour avoir le moins d’impact néfaste possible sur l’environnement !