La bouillie bordelaise est utilisée en prévention ou en traitement contre des maladies comme le mildiou. Cette substance n’est, à la base, pas un produit synthétisé par les grosses industries mais, un produit inventé au XIXe siècle par les vignerons. Parce que ce n’est pas un produit de synthèse, il est autorisé en agriculture biologique et nous lui faisons donc confiance. Cependant est-elle vraiment sans danger ?
Impact de la bouillie bordelaise et des autres antifongiques au cuivre
La bouillie bordelaise est constituée de sulfate de cuivre et de chaux. C’est le cuivre qui est nocif pour les pathogènes et qui lui donne cette couleur bleue. Cependant, le cuivre est un métal lourd. En excès, il est donc toxique pour la plupart des organismes qui n’arrivent pas à le prendre en compte dans leur métabolisme. Ainsi, son effet n’est pas spécifique aux pathogènes. La faune, la flore et les humains peuvent aussi être impactés. En faible quantité, l’action du cuivre sera limitée. Néanmoins, le cuivre ne se dégrade pas, il va donc s’accumuler dans le sol ou dans les eaux. Si les quantités de cuivre dépassent une certaine dose, cela peut entraîner :
- Une élimination des vers de terre et des impacts sur la faune du sol comme les collemboles.
- Une altération de la floraison
- Une élimination des bons champignons qui participent à la dégradation de la matière ou qui aident les plantes comme les mycorhizes.
- Une intoxication pour les oiseaux, les insectes et la faune aquatique
- Des éruptions cutanées, irritations oculaires. A haute dose, elle est toxique et induit des problèmes au niveau du foie et des reins et des troubles respiratoires.
- A haute dose dans le sol, le cuivre perturbe la migration du fer et provoque des chloroses des plantes (un manque de chlorophylle dans les feuilles). Il peut aussi perturber l’assimilation du zinc et altérer la croissance des plantes. Ce phénomène est aussi présent pour les algues lorsqu’il y a trop de cuivre dans l’eau.
Cette liste est aussi applicable pour les autres produits contenant du cuivre autorisé en agriculture biologique.
Résultat, dans certaines cultures d’Europe, la concentration de cuivre dans le sol peut monter jusqu’à 500 mg/kg. En comparaison, en sol agricole non pollué, elle ne s’élève que jusqu’à 45mg/kg. Hors culture, la concentration naturelle de cuivre varie de 3 à 100mg/kg. Ainsi, les quantités de cuivre sont fortement supérieures à la normale. Il est évalué que l’épandage de cuivre est la principale cause de pollution au cuivre en Europe. Suite à cela, des parcelles fortement exposées au cuivre, comme d’anciennes vignes, subissent des chloroses des plantes (plantes moins vertes). Leur croissance est diminuée et les rendements futurs sont menacés.
Il est aussi important de noter que le minage du cuivre pollue énormément et détruit beaucoup d’habitats. De plus, les quantités de cuivre disponibles dans les mines s’épuisent et, en le diffusant sur les plantes, il est impossible de le recycler.
Pratiques liées au geste
Si vous avez déjà eu des problèmes avec le mildiou, il est possible d’utiliser la bouillie bordelaise mais il faut par conséquent respecter scrupuleusement les doses sur le paquet et faire attention lors de son utilisation. Il existe cependant, des alternatives à la bouillie bordelaise.
Tout d’abord, les maladies comme le mildiou apparaissent avec un excès d’humidité suivi d’un beau temps. Il faut donc essayer d’aménager son potager de telle sorte que l’humidité s’accumule le moins possible, en espaçant les plants, en limitant les arrosages, etc. De plus, dès que les premiers symptômes d’une maladie apparaissent, il faut enlever toutes les parties infectées même celles au sol. Vous pouvez aussi utiliser des alternatives naturelles à la bouillie bordelaise. Il existe des purins, des recettes à base de bicarbonate de soude, le lait dilué ou des décoctions. Ils permettent soit de booster le système immunitaire des plantes pour qu’elles résistent mieux au passage des maladies soit de prévenir leur arrivée. Vous pourrez retrouver des conseils et des recettes sur l’article sur des maladies cryptogamiques et les fiches 1, 2 et 3.
L’avenir de la bouillie bordelaise
Au vu de tous ces risques, les quantités autorisées de la bouillie bordelaise ont été réduites en 2019 par la commission européenne. Elles sont passées à 4kg/ha/an autorisé tant en bio qu’en conventionnel contre 6kg/ha/an. Certains pays comme les Pays-Bas ou le Danemark ont même interdit cette substance. Il est donc possible que l’autorisation de la bouillie bordelaise soit remise en question dans l’avenir. Il va sûrement falloir apprendre à faire sans. D’ailleurs, il a été montré en station expérimentale, que certains systèmes agricoles ayant banni le cuivre sont tout aussi fonctionnels que ceux sans en multipliant les techniques telles que le choix de plantes résistantes, etc. Il est donc possible de se passer de la bouillie bordelaise mais il faudra continuer de chercher des alternatives efficaces.