Enquête sur la construction de bois partie 2 : la filière bois en question

L’exploitation des forêts soulève aujourd’hui de nombreux questionnements, aussi bien du côté du public que des spécialistes. En témoignent les différentes controverses récentes autour de la reconstruction de la charpente de bois de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Comment s’est construite cette industrie ? Quel est son impact sur l’environnement ? Comment fonctionnent aujourd’hui les forêts ? Quelques questions sur lesquelles nous vous proposons de nous pencher.

 

Histoire de la sylviculture :

L’histoire de la construction en bois est étroitement liée à celle des forêts françaises.

Elles sont intensivement exploitées ou défrichées depuis le néolithique. Les importantes croissances démographiques que connait le pays tout au long de son histoire entrainent un recul des forêts au profit des terres cultivables. Elles sont exploitées, sans réelle systématisation, pour le chauffage, la construction civile et navale ou les nouvelles industries sidérurgiques qui se développent à partir du XVIIe siècle.

C’est à Louis XIV et Colbert que nous devons la réforme du système forestier en 1669. Les massifs les plus surexploités sont alors protégés, un quart des forêts est mis en réserve et les âges d’exploitabilité sont repoussés. Ces mesures n’empêchent pourtant pas le couvert forestier de diminuer tout au long des XVIIIe et XIXe siècles, ce qui donne lieu, en 1827, à la promulgation d’un nouveau code forestier. Durant le Second Empire, Napoléon III programme ensuite la plantation en pins maritimes les Landes de Gascogne. Le couvert forestier français augmente alors progressivement jusqu’à aujourd’hui.

Les Landes, mais aussi les Vosges, la Champagne, ou encore le massif de la Chartreuse tirent largement profit de l’exploitation forestière. Cette dernière donne lieu à l’élaboration de moyens ingénieux pour déplacer le bois tout en respectant le massif forestier. Dans les Vosges, le bois est par exemple descendu grâce à la schlitte, une luge géante freinée dans les pentes à la force des jambes !

Schlitte. France, Haut-Rhin, Muhlbach-sur-Munster, musée de la Schlitte et des Métiers du Bois. © Denis Bringard /Biosphoto

L’ONF, vers une gestion durable et respectueuse de la biodiversité :

Cubage de bois sur une coupe forestière. Vosges-France ; Office National des Forêts . © Bruno Mathieu / Biosphoto

Aujourd’hui, c’est l’ONF, créé en 1966 qui gère les forêts publiques, communales et domaniales. Il assure au quotidien la pérennité et la vitalité des forêts en s’appuyant sur une gestion durable. Parallèlement plus de 12 millions d’hectares, soit 75 % du couvert forestier, sont aux mains de propriétaires privés. Ces forêts sont rassemblées dans le Centre National de la Propriété Forestière (CNPF).

Pour chaque famille d’arbre est établi un cycle de sylviculture de façon à exploiter de la manière la plus raisonné cette ressource durable. Les forêts sont aussi gérées et organisées de façon à favoriser la biodiversité. Depuis quelques années, l’ONF développe ainsi le concept de « forêt mosaïque » qui voit cohabiter différents types d’îlots pour accompagner la forêt dans son renouvellement tout en préservant des trames de bois morts, en identifiant les zones de nidification et en favorisant les couloirs et réserves naturelles. Différentes actions sont aussi menées dans ce sens :  interruption des travaux pendant les périodes de nidification, préservation des sols forestiers et des cours d’eau, abandon de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et restauration de l’équilibre forêt-gibier.

Il est aussi intéressant de souligner que des techniques douces de débardage sont de plus en plus (ré)utilisées, notamment le débardage à cheval, plus respectueux des sols et moins gourmand en carburant. En effet, les chevaux ne tassent pas les sols et ne risquent pas d’écorcer les réserves et évitent ainsi la prolifération des champignons. Par ailleurs, ils peuvent passer par de petits chemins. Il n’est donc pas nécessaire d’aménager de nouvelles routes qui pourraient morceler les habitats. Et pas de risque de pollution sonore !

Débardage en forêt avec un cheval de trait Comtois, Vosges. © Bruno Mathieu / Biosphoto

Des espèces locales et durables :

Cette gestion durable des forêts d’origine est garantie par deux certifications, PEFC et FSC. Si l’origine du bois est contrôlée, l’utiliser ne participe pas à la déforestation ! En effet, le pays compte 1,2 milliards de m3 de stock de bois d’œuvre sur pied et en ajoute bien plus chaque année qu’il en prélève (23,8 millions). Le stock de bois d’œuvre a ainsi progressé de 35% depuis l’an 2000.

Un problème demeure cependant aujourd’hui en France : la construction utilise surtout des résineux mais les parcelles françaises composent avec une majorité de feuillus. Il est donc important de réapprendre à utiliser les feuillus pour ne pas monospécifier les parcelles. Une solution peut par exemple être de recréer des haies et promouvoir et diversifier l’agroforesterie.

Panneau sur un arbre dans une forêt Ballon d’Alsace, France. © Denis Bringard / Biosphoto

Certaines essences peuvent être qualifiées de naturellement durables car elles sont résistantes aux agents biologiques. L’offre pour ces espèces est assez diversifiée. Ainsi, pour concevoir des éléments structurels en intérieur (charpente, ossature, poutre, …) il peut être intéressant de se tourner vers des essences croisant solidité et résistance aux xylophages et dont la disponibilité est suffisante sur le territoire français. Le douglas, qui bien que présent naturellement en montagne et moyenne montagne, a été planté plus largement est un bon candidat pour les charpentes. Mais selon votre région vous pouvez utiliser une essence plus inattendue comme le châtaignier qui est plus résistant que le douglas et offre de belles teintes dorées. Pour les montants d’ossature et poutres porteuses, le chêne et le hêtre seront vos alliés.

Les essences utilisées pour les poteaux, les menuiseries, les aménagements extérieurs et l’enveloppe doivent êtres imputrescibles. Misez alors sur le douglas, le chêne, le châtaignier, le mélèze ou le robinier. Chaque essence s’adapte plus ou moins bien aux différents usages. Par exemple, le mélèze se comporte très bien en bardage mais travaille énormément sur une terrasse. Le châtaignier fait aussi de beaux bardages arrondis et dépasse les 100 ans de longévité. Il durera aussi très longtemps sur un toit et plus la pente sera importante, plus il résistera. N’hésitez pas non plus à piocher dans les ressources locales isolées ! Le cyprès Lambert est très résistant à l’eau et fera de beaux bardages.

© Jean-Philippe Delobelle / Biosphoto

Sources :

 La maison écologique, Hors-Série n°14 « De quel bois je me construis », novembre-décembre 2020.

https://www.onf.fr/onf/+/843::debardage-cheval-en-foret-domaniale-du-gavre.html

https://www.onf.fr/onf/+/8e4::infographie-la-foret-mosaique-une-nouvelle-sylviculture-face-au-changement-climatique.html

 

https://foretdordogne.fr/la-foret-perigourdine/historique-et-etat-des-lieux/histoire-de-la-foret-en-france/

 

 

 

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