Avec sa petite taille, son corps rond et trapu, et son air perpétuellement sévère, la Chevêche d’Athéna fait définitivement partie de ces oiseaux universellement considérés comme « mignons » par les ornithologues et les amoureux de la nature en général. Que ceux d’entre vous qui ne sont pas d’accord s’adressent directement à l’association, qui transmettra à l’auteur !
Messagère mythologique de la déesse grecque Athéna dont elle tire son nom, symbole de sagesse, la Chevêche se rencontrait autrefois couramment au jardin ou en rase campagne, et les plus chanceux de nos lecteurs seront amenés à la croiser au naturel, souvent au crépuscule.
Anatomie
La Chevêche d’Athéna fait partie des plus petits rapaces avec une taille moyenne d’environ 25cm et un poids variant de 160 à 200 grammes, pour une envergure de 60 cm. A peine plus grosse qu’un pigeon, elle est facilement reconnaissable à son plumage brun et gris, souvent tacheté de blanc. La queue est brune et striée, et la gorge de l’animal plus claire. Ses grands yeux jaune-doré sont surmontés d’un sourcil blanc oblique qui lui confère son drôle d’air accusateur, et on constate un léger dimorphisme sexuel chez cette espèce (les femelles sont un peu plus grandes que les mâles).
Un arbre généalogique complexe
La Chevêche d’Athéna a récemment changé d’identité. De son vrai nom (latin) Athene noctua, les naturalistes ont préféré changer son nom français de « Chouette chevêche » afin d’éviter les confusions avec ses cousines bien connues Chouette hulottes, Chouettes fauves ou Chouettes tachetées, qui représentent la même famille Strigidae mais un ordre différent (Strix, ainsi la Chouette hulotte se nomme en langage naturaliste Strix aluco).
Pour être précis, l’appellation de « rapace » peut également être trompeuse. Le terme est ambigu et désigne des oiseaux avec des caractéristiques similaires (carnivore, bec crochu, serres…), mais appartenant à des familles très différentes qui ont développé au cours de l’évolution des caractéristiques similaires (ce phénomène se nomme la « convergence évolutive »).
Ainsi, on distingue d’une part les rapaces diurnes qui comprennent en fait 5 ordres d’oiseaux (dont les plus célèbres sont les Falconidae qui englobent les faucons, ou les Accipitridae qui comptent dans leurs rangs les milans, gypaètes, vautours…) et d’autre part, les rapaces nocturnes composés de 2 ordres, Tytonidae (toutes les espèces d’Effraies) et donc les Strigidae, qui rassemblent donc les chouettes, les chevêches (genre Athene), mais aussi les petit-ducs, grands-ducs…
Habitat
Les 13 sous-espèces de Chevêche d’Athéna sont représentées sur une très large aire géographique couvrant l’Asie centrale, orientale, la Russie des steppes, mais aussi le pourtour méditerranéen ou encore l’Europe (à l’exception de la Scandinavie et de l’Irlande).
La Chevêche d’Athéna se nourrit d’insectes et d’araignées, plus rarement de petits mammifères, rongeurs ou passereaux, qu’elle empoigne avec ses serres puissantes (relativement à sa taille bien sûr). Elle apprécie donc les espaces ouverts pour chasser ses proies, mais elle a également besoin de stations en hauteur pour les observer, et plus généralement pour la ponte (elle ne construit pas de nid à proprement parler mais dépose ses œufs dans une cavité). Ainsi, les cavités naturelles dans les arbres lui sont très utiles, tout comme les arbres taillés en têtard (mode de taille bien connu pour augmenter le volume du houppier d’un arbre), mais aussi toutes sortes de construction humaines comme les cheminées, pylônes ou simplement les toitures des maisons.
Elle apprécie donc particulièrement les habitats des climats tempérés qui offrent tout ce dont elle a besoin : zones ouvertes et vallonnées présentant des arbres épars, zones agricoles bordées d’arbres ou bocages ayant conservé des haies champêtres, prairies pâturées bordées d’arbres, vergers, mais aussi zones péri-urbaines présentant immeubles, friches, parcs et jardins.
Adaptations et menaces
Le mode de vie de la Chevêche d’Athéna lui a donc permis de s’adapter relativement bien aux milieux anthropisés, mais ses effectifs décroissent aujourd’hui rapidement bien que l’espèce soit protégée en France, en Europe et dans le monde : loi générale de protection des rapaces en France datant de 1976, espèce menacée d’extinction par le règlement communautaire CITES, liste orange de la faune menacée en France, présente sur l’annexe II de la Convention sur le commerce d’espèces menacées, statut « préoccupation mineure » sur la liste de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN)…
Les raisons du déclin de la Chevêche en France et en Europe sont multiples : fragmentation des milieux tout d’abord, qui la prive d’aire de chasse suffisante ; disparition des haies champêtres suites aux remembrements agricoles, ou des vergers qui lui offraient de nombreux abris ; abattage systématique des arbres trop vieux présentant des cavités ; pylônes métalliques mal conçus qui piègent les œufs et spécimens ; nombreuses collisions avec des véhicules ; et enfin, pollution chimique due à l’utilisation excessive de pesticides en agriculture ou dans les parcs et jardins, qui empoisonne ses proies et la prive de nourriture.
Que faire ?
Les bonnes pratiques de la charte Jardins de Noé et plus généralement les conseils et l’accompagnement liés aux programmes de conservation de l’association peuvent permettre de protéger les Chevêches d’Athéna et avoir une chance de les observer à nouveau au jardin :
Geste n° 3 : « J’aménage des habitats pour la faune locale »
Il n’est pas impératif d’installer des nichoirs si votre jardin est pourvu d’arbres offrant des cavités à proximité d’un espace ouvert et de proies potentielles pour la Chevêche. Vous trouverez cependant des conseils sur le site des Jardins de Noé ou dans l’excellent cahier technique de la Ligue de Protection des Oiseaux.
Geste n°9 : « Je protège mes plantes naturellement »
Bien entendu, nous ne le répèterons jamais assez, il est essentiel de ne pas utiliser de produits phytosanitaires (pesticides) au jardin, et d’adopter des modes de jardinages plus respectueux de la biodiversité. De manière générale, en favorisant une gestion écologique et en restaurant un équilibre au jardin, c’est l’ensemble des populations qui seront à la fois restaurées et régulées. Dans un monde idéal, un sol très fertile pour la flore du jardin sera très riche en lombrics, attirera les petits rongeurs qui attireront à leur tour la Chouette Chevêche et d’autres espèces avicoles. La boucle est bouclée…
A l’échelle de la collectivité, le programme Villes de Noé peut accompagner les élus à réfléchir à des aménagements publics favorables à la biodiversité, comme la sécurisation de ruines ou l’aménagement des friches en bordure de ville qui peuvent accueillir les Chevêches.
C’est en sensibilisant chaque acteur, et en changeant les pratiques à toutes les échelles que nous parviendrons ensemble à préserver des habitats indispensables à la préservation de la biodiversité. Et, derrière son regard sévère, la Chevêche d’Athéna nous en remerciera…